Daniel Price, dix-huit ans, a les traits de son père, la belle stature de sa mère, et une âme qui ne sait plus à quel saint se vouer. Tout commence par un combat perdu d’avance, occasion ratée de se tirer d’East Chicago, ville industrielle et prolétaire, où l’avenir se résume à passer sa vie à l’usine. Flanqué d’amis à peu près aussi paumés que lui Larry, le teigneux, et Billy, la bonne pâte , Daniel va, au cours de son dernier été d’adolescent, tandis que son père agonise, être emporté par la force dévastatrice d’un premier amour, quand chaque mot et chaque geste prennent des proportions démesurées.
La Critique de l’Ogre : 6/10
Price est le premier roman de Steve Tesich, auteur du formidable Karoo dont vous pouvez retrouver la critique ici. L’histoire d’un garçon qui découvre brutalement la réalité de la vie adulte au travers d’un été décisif où les amitiés seront mises à mal et où l’Amour s’immisce pour la première fois dans son âme, le tout avec en toile de fond un contexte familial difficile avec un père malade à l’agonie. Un roman introspectif et un héros loin d’être parfait, dont la lutte intérieure sera au coeur des quelques cinq cents pages.
Difficile d’accrocher durant les premières pages. Elles sont lentes et assez banales, avec une mise en place conventionnelle : une ville paumée des États-Unis survivant uniquement grâce à seule activité industrielle, des personnages classiques de lycéens perdus face à des professeurs et des parents qui les poussent à tracer devant eux un avenir probable. Pas évident de rentrer dans ces premiers chapitres tant l’histoire semble tourner en rond. Même lorsqu’il rencontre pour la première fois Rachel, où l’on se dit que potentiellement, l’histoire s’apprête à décoller, on reste sur notre faim. On nage, on surnage… Il faut attendre la moitié du livre pour que l’histoire se livre réellement.
Heureusement, la seconde partie décolle et emporte tout vers une dislocation totale de la première partie. Les amitiés, les relations, la famille… Tout part et explose dans tous les sens sans que Price, ce jeune homme à l’orée de l’âge adulte, n’arrive à y faire face. Débordé, torturé, noyé dans un amour conflictuel et dérangeant, il s’efforce tant bien que mal de comprendre les sentiments nouveaux qui le rongent, mais hélas pour lui, il semble plus à la dérive qu’en contrôle. Le parallèle avec le caractère de son père est assez bien amené et sous-jacent pendant toute l’histoire : alors que Price s’obstine à s’en éloigner, on s’aperçoit que chaque page ne fait que l’en rapprocher. Les dernières parties sont poignantes et perturbantes et entraînent le jeune Price dans des réflexions profondes, passionnantes et sombres.
L’écriture qui accompagne tout ça est simple, efficace, et les personnages secondaires bien équilibrés. Le tout donne un ensemble cohérent dans la longueur, avec des va-et-vient permanents d’une galerie hétérogène de protagonistes de cette petite bourgade américaine. Malgré la lenteur de la première partie, elle présente des hommes et des femmes avec leurs désirs, leurs doutes, leurs peurs, et dont les démons reviennent régulièrement heurter Price. Le plus réussi est sans conteste l’écho entre la relation de Price et Rachel et celle de son père et de sa mère, relations qui ne cessent de jouer au miroir durant toute l’histoire.
Un roman prenant et touchant sur un adolescent qui entre de plein pied dans l’âge adulte, accompagné de l’Amour, la haine, la perte, la maladie… mais qui souffre d’un déséquilibre trop grand entre la première et la deuxième partie.