Je pèse lourd. Des tonnes. Alliage écrasant de lard et d’espoirs défaits, je bute sur chaque pierre du chemin. Je tombe et me relève, et tombe encore. Je pèse lourd, ancré au sol, écrasé de pesanteur. Atlas aberrant, je traîne le monde derrière moi. Je pèse lourd. Pire qu’un cheval de trait. Pire qu’un char d’assaut. Je pèse lourd et pourtant, parfois, je vole.

La Critique de l’Ogre : 7/10

Bande dessinée, Blast est un voyage en pleines ténèbres proposé par Manu Larcenet, auteur du très bon Le Combat Ordinaire, dont la critique est disponible sur ce site (et que je vous encourage vivement à découvrir ! ). Ce premier tome, dont le but est surtout de mettre en place l’histoire, est une BD à l’ambiance sombre qui, à l’image de l’oeuvre de Manu Larcenet, met l’accent, avant tout, sur ses – en l’occurrence, son – personnages avec une histoire qui fait la part belle à l’introspection personnelle et aux réflexions sur soi et sur la vie.

Les dessins sont flous, presque brouillons, à la limite parfois de l’impressionnisme, mais très puissants. Manu Larcenet parvient, avec son trait particulier, à faire passer une force et une émotion d’une grande intensité dans chaque vignette. De la pluie qui tombe, une statue proche de celles de l’Île de Pâques plantée au milieu d’une cellule de prison, un vent battant la campagne ou encore, un instant de détresse psychologique de son héros… Les dessins sont poignants, prenants et méritent que l’on s’y attarde longuement pour plonger pleinement dans l’atmosphère de Larcenet. D’autant plus que la quantité de dialogues de ce premier tome reste limitée, ce qui donne une BD presque contemplative, où l’on se laisse aspirer par la détresse d’un héros qui décide du jour au lendemain de tout plaquer.

Polza, justement, le héros de cette histoire, est original. Plutôt antipathique au premier abord, au physique marqué, on sent très rapidement qu’il sera un antihéros parfait, un homme que l’on adorera détester. Et cette relation particulière avec le lecteur commence dès les premières pages, lorsqu’on retrouve le héros au coeur d’une cellule de prison puis dans une salle d’interrogatoire. Et on comprend rapidement que l’histoire que Polza s’apprête à nous raconter sera sombre, potentiellement liée à des drames humains dont il pourrait être à l’origine… Bref, une histoire avec un potentiel certain qui donne envie de découvrir la suite….

Il y a ensuite le scénario… Et le Blast ! Ce Blast expérimenté par Polza au moment de la mort de son père… Une explosion psychologique, une épiphanie, un instant de communion avec le monde, un éclair intérieur qu’il va chercher dès lors à retrouver, point de départ de toute son histoire. Le Blast, un moment transcendantal que l’on devine récurent dans les prochains tomes, mis en scène d’une manière exceptionnelle, seule scène en couleur dans une BD entièrement en noir et blanc. Je ne mets à ce premier tome que 7/10, l’histoire étant encore un peu calme et n’ayant pas encore livré tout son potentiel…

Un premier tome prometteur, avec une ambiance sombre percutante et un antihéros torturé et mystérieux qui donne envie de se précipiter sur les prochains numéros !