À Two Rivers, rien ne vient jamais troubler la petite vie paisible des habitants, jusqu’à ce qu’un laboratoire de recherches militaire s’installe sur les rives du lac Merced. Les spéculations les plus folles naissent alors, et la crainte d’un accident nucléaire hante tous les esprits. Aussi, lorsqu’un incendie se déclare sur le site, Dexter Graham envisage déjà le pire. Pourtant, son destin, ainsi que celui de Two Rivers dans sa totalité, vient de basculer d’une manière qui dépasse de très loin son imagination. En effet, la petite ville semble avoir été transportée… ailleurs.
La critique de l’Ogre : 6/10
Robert Charles Wilson est un auteur de Science-fiction prolifique qui explore, souvent avec brio, les grands thèmes qui composent ce genre littéraire. En passant du voyage dans le temps, à la rencontre d’une espèce extraterrestre, ses œuvres font à chaque fois la part belle aux personnages, saisissant le prétexte de l’histoire pour raconter la leur, et non l’inverse. Cela donne des livres à la fois passionnants et profonds. Mysterium ne transige pas à la règle, explorant cette fois-ci le concept d’univers parallèles avec un point de vue intéressant, associé aux habitants d’une petite ville américaine qui voient leur cité envoyée soudainement dans une autre dimension, via les manipulations scientifiques d’un complexe militaire situé à sa bordure…
La construction du récit est lente et, comme je le disais, au service des personnages. C’est à travers eux que l’on découvre l’événement, ce transfert de dimension. Tout commence par une panne de courant, puis la découverte que toutes les routes de la ville s’arrêtent soudainement en périphérie, remplacée par une forêt massive et épaisse qui tranche avec la végétation qu’ils connaissent… Même en sachant de quoi parle Mysterium, on suit cette série de découvertes avec intérêt. Wilson ancre son histoire dans le non sensationnel, le commun… Puis vint une deuxième partie, plus oppressante, où l’humanité de cet univers parallèle découvre cette ville d’un autre monde et cadenasse ses habitants… La tension est palpable et on sent le piège se refermer sur les habitants dont le destin semble de plus en plus compromis, notamment lorsque cette humanité d’une autre dimension découvre via cette ville débarquant de nulle part le moyen d’accélérer le développement de leur bombe nucléaire.
Les personnages sont intéressants, mais manquent un peu de profondeur en ce qui concerne leur histoire personnelle. Leur caractère intrinsèque est bien présent, mais sans savoir d’où ils viennent, ce qu’ils faisaient avant ce mystérieux voyage entre les dimensions – qui arrive dès les premières lignes du livre. En conséquence, ils manquent d’épaisseurs. C’est peut-être le point négatif de ce livre : tout arrive trop vite, on est propulsé dans cet univers parallèle sans le moindre préambule, sans flash-back… Une histoire centrée de la sorte sur les protagonistes nécessite d’en connaître un peu plus pour s’attacher, s’identifier et comprendre, pour apprécier correctement les changements et l’impact que cet événement peut avoir sur leur vie.
Il reste que Robert Charles Wilson, comme à son habitude, gère parfaitement les codes de la Science-fiction et utilise le prétexte de son intrigue pour poser des questions pertinentes, aussi bien sur le rôle et le destin de l’Homme, mais aussi et surtout sur l’univers qui nous entoure. Il y a des débats intéressants sur ces notions d’univers parallèles, la manière de les exploiter, ce qu’ils nous apprennent sur nous. Et après tout, c’est bien pour cela qu’on lit ce genre de littérature : explorer les questions et les réflexions que notre quotidien ne nous permet pas toujours d’appréhender. En cela, Mysterium répond à cette attente.
Un bon roman de Science-fiction qui aurait gagné à apporter plus de soin au passé de la ville et de ses personnages, pour finir de complètement nous immerger dans son histoire qui se focalise sur tout et avant tout sur l’humain. Un bon moment tout de même.