Fer de Lance du mouvement New Space Opera – par l’Ogre Littéraire (Juin 2015)

Livres Associés :

• L’Espace de la révélation ((en) Revelation Space, 2000)

• La Cité du gouffre ((en) Chasm City, 2001)

• L’Arche de la rédemption ((en) Redemption Ark, 2002)

• Le Gouffre de l’absolution ((en) Absolution Gap, 2003)

• (en) The Prefect, 2007

LE NEW SPACE OPERA, C’EST QUOI ?

Image by Alexander Preuss (vampeta)

Alastair Reynolds fait partie de cette génération de nouveaux auteurs qui ne se contente plus de simplement imaginer un futur, mais plutôt de le prévoir… Différence subtile, mais primordiale lorsqu’il s’agit de Science-fiction. Car contrairement à ses confrères d’avant les années 1990, imaginant un avenir rempli de lasers de téléportation, de gravité artificielle, de voyages dans l’espace où la vitesse de la lumière n’existe plus en tant que frontière impossible à franchir (justifiant ainsi qu’il est normal d’atteindre n’importe quelle planète de la galaxie en moins de temps qu’il n’en faudrait aujourd’hui pour faire un Paris – Toulouse) ces nouveaux auteurs de Science-fiction (bien souvent britanniques) imaginent un monde directement inspiré de notre présent, de nos connaissances et des découvertes potentielles des années à venir. C’est de cette mouvance qu’est ainsi né le genre de New Space Opera (dénomination plus ou moins officielle). New Space Opera ? Quésaco ? Avant de définir le New, parlons déjà de l’ancien…

Le Space Opera est un genre littéraire mettant bien souvent en jeu des vaisseaux spatiaux gigantesques, voyageant entre des planètes, des mondes, des systèmes solaires… des galaxies ! La présence d’extraterrestres y est d’ailleurs monnaie courante. Ajouter à cela des intrigues se déroulant sur des centaines voire même des milliers d’années, des complots aux répercussions galactiques mettant en danger la vie de milliards d’êtres vivants… Bref, un genre aux perspectives et enjeux gargantuesques, spectaculaire, dont les exemples cinématographiques les plus parlants et les plus connus sont sans aucun doute les sagas Star Wars et Star Trek.

À présent, qu’est-ce que le New Space Opera ? Ici, pas de guerres entre Empires Galactiques, pas de bombes nucléaires téléportées en plein cœur d’une planète… Bien plus sombre, bien plus torturé, bien souvent avec des technologies moins avancées (le voyage plus vite que la lumière pour le moindre petit coucou, on oublie !), des intrigues plus complexes, le tout mettant en perspective des questionnements plus profonds. On y retrouve ainsi des thèmes chers à la littérature plus conventionnelle, mais dans un univers d’anticipation : des interrogations philosophiques complexes sur l’Homme, sa place dans l’univers, le but de son existence, sa destinée, sur ce qu’il serait prêt à sacrifier pour assouvir sa soif de conquête… Des sujets tranchant avec son ancêtre, plus spectaculaire et divertissant. Pour continuer dans des exemples cinématographiques parlant à chacun, Interstellar de Christopher Nolan verse totalement dans cette mouvance de la SF.

Avec son Cycle des Inhibiteurs, Alastair Reynolds s’impose comme une référence en termes de New Space Opera (peut-être même LA Référence de ce début de siècle).

D’autres œuvres liées à la mouvance du New Space Opera :
– Le Cycle de la Culture de Iain Bank
– Le Cycle de L’Aube de la Nuit de Peter F. Hamilton

LE CYCLE DES INHIBITEURS

La Cité du Gouffre / Source : http://kbarts.hu/gallery/scifinagy/cave_city.jpg

Cette œuvre colossale nous plonge dans une galaxie dépouillée de vie. Alors que l’Homme commence de se répandre parmi les étoiles, il y découvre les traces d’une civilisation extraterrestre disparue après un cataclysme inexplicable. Cet événement servira de point de départ à une histoire démesurée résolument singulière.

Sans possibilité d’atteindre la vitesse de la lumière, les humains se déplacent rarement et lentement d’une planète à l’autre. Ils découvriront la dureté des voyages spatiaux, la différence avec laquelle les humains aux quatre coins de l’espace exploré évoluent, le tout dans un univers inquiétant, peuplé de traces de civilisations disparues et de rumeurs sur des machines intelligentes destructrices…

Ce cycle est bourré de bonnes idées, dont la plus parlante est, à mon sens, la Pourriture Fondante, sorte de maladie infectieuse entraînant la symbiose entre les machines et les éléments organiques. Cette peste, largement détaillée dans le deuxième livre (La Cité du Gouffre), contribue à créer une ambiance sombre et gothique qui donne une signature particulière à toute l’œuvre de Reynolds.

Autre point fort de ce cycle : malgré la longueur des livres (800 pages en livre de poche chacun) et les directions explorées par Alastair Reynolds, il ne se laisse en aucune façon absorbé par la grandeur de son histoire. Il arrive à concentrer son récit sur les points les plus importants de l’intrigue, tout en créant et amenant de nouveaux personnages charismatiques au fur et à mesure que l’on avance vers le dénouement.

Deux nouvelles, Diamond Dogs & Turquoise Days viennent enfin enrichir cet univers à travers deux histoires originales, mais très différentes de la tonalité générale du reste du cycle.

L’AVIS DE L’OGRE LITTÉRAIRE

Les églises en phase avec la Lune d’Haldora / Le Gouffre de l’Absolution – Concept Art by Christian Bravery

Exceptionnel ! L’ensemble des cinq livres (même si le dernier, non traduit en français, fait figure de vrai stand alone) ainsi que des deux nouvelles forment une œuvre énorme. L’histoire générale est passionnante, dans un univers avec une vraie personnalité, et dont les enjeux nous saisissent aux tripes avec, en prime, une menace sous-jacente, celle des Inhibiteurs, terrifiante. Les personnages principaux sont charismatiques et évoluent de manière intéressante tout au long de l’intrigue (certain plus que d’autres !)

Ce cycle est théâtral, magistral et mérite très largement l’immense succès critique qu’il a reçu, notamment pour ses deux premiers opus.

Juin 2015 – l’Ogre Littéraire