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Le Paradoxe de Fermi de Jean-Pierre Boudine

004710779Dans son repaire situé quelque part à l’est de l’arc alpin, Robert Poinsot écrit. Il raconte la crise systémique dont il a été témoin : d’abord le salaire qui n’arrive pas, les gens qui retirent leurs économies, qui s’organisent pour trouver de quoi manger, puis qui doivent fuir la violence des grandes villes et éviter les pilleurs sur les principaux axes routiers. Robert se souvient de sa fuite à Beauvais, de son séjour dans une communauté humaniste des bords de la mer Baltique et des événements qui l’ont ramené plus au sud, dans les Alpes. Quelque part dans le récit de sa difficile survie se trouve peut-être la solution au paradoxe de Fermi, à cette célèbre énigme scientifique : dans un univers aussi vaste que le nôtre, l’espèce humaine ne peut pas être la seule douée d’intelligence ; alors où sont les autres, où sont les traces radio de leur existence ?

 
La Critique de l’Ogre : 8/10

Je qualifierais Le Paradoxe de Fermi comme un récit plutôt qu’un roman. Un récit sur la chute d’une civilisation, la nôtre. L’écroulement d’une société moderne si tentaculaire, complexe, connectée et déviante, que le moindre grain de sable se trouve susceptible d’enrayer la belle machine en un rien de temps. C’est aussi l’histoire d’un homme, Robert Pinsot, qui du haut de son refuge alpin décide de raconter sa vie et cette chute pour la postérité, pour le cas où ce mot revêtirait encore un sens. Enfin, c’est aussi et surtout un prétexte pour proposer une solution au Paradoxe de Fermi, stipulant qu’il est parfaitement anormal, au regard de la taille et de la physionomie de notre univers, que l’Homme n’ait jamais détecté la moindre petite présence de civilisation extra-terrestre.

Ce livre est intéressant dans la manière où il décrit la chute de notre civilisation. Aujourd’hui encore plus crédible qu’hier, son hypothèse de travail n’est pas un cataclysme naturel, une pandémie ou une guerre, mais une grande crise systémique qui plonge la société dans l’anarchie la plus totale. Plus que jamais, l’homme est un loup pour l’homme. Il décrit une à une les étapes de l’écroulement : les salaires qui n’arrivent pas, l’argent impossible à retirer à la banque puis les loyers qu’on ne paye plus, le travail qui n’est plus réalisé… Puis tous les rouages d’une société technique et technologique qui s’arrête petit à petit, plus personne n’étant là pour les faire tourner… Les pillages, les violences… Les passages concernant cette chute sont réalistes, effrayants – car envisageables – et révélateurs de la situation dans laquelle nous nous trouvons : la société de croissance, de consommation et de la concurrence nous a amené au pied du mur.

De ces événements, Boudine en tire (ATTENTION SPOILERS) une solution au paradoxe de fermi : les civilisations avancées et techniques ne se développent pas dans l’univers car elles finissent par s’autodétruire. C’est une réponse au paradoxe basée sur un seul et unique exemple, le nôtre, mais qui n’est pas sans interroger. L’avancée scientifique, économique et sociale est-elle un bien pour l’humanité, ou lui donne-t-elle uniquement les armes de sa destruction ? Une société complexe peut-elle perdurer et prospérer ? La volonté de l’humain de toujours vouloir plus, et aller plus loin, finira-t-elle par avoir notre peau ?

Ces réflexions intéressantes sont supportées par l’histoire personnelle de Robert Pinsot, qui apporte une dimension un peu plus humaine au récit, parfois très clinique. Il reste que, comme je le disais, ce livre est plus un récit qu’un roman dans le sens où les personnages y sont très peu développés, presque absents, même en ce qui concerne le héros dans lequel, finalement, on ne se trouve que peu immergé. Je vois plus Le Paradoxe de Fermi comme un livre à mi-chemin entre la démonstration philosophique et le récit scientifique, une grande réflexion sur notre monde et le destin funeste susceptible de nous attendre au tournant.

Un récit prenant sur la chute de notre civilisation… Pour moi, une belle réussite.

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