Leur heure venue, bien peu sont ceux qui peuvent échapper à la Mort. Et, parmi eux, plus rares encore, ceux qui réussissent à éveiller Sa curiosité. Liesel Meminger y est parvenu. Trois fois cette fillette a croisé la Mort et trois fois la Mort s’est arrêtée. Est-ce son destin d’orpheline dans l’Allemagne nazie qui lui a valu cet intérêt inhabituel ? Ou bien sa force extraordinaire face aux événements ? Au moins que ce ne soit son secret… Celui qui l’a aidée à survivre. Celui qui a même inspiré à la Mort ce si joli surnom : la Voleuse de livres.
La Critique de l’ogre Littéraire : 7/10
La Voleuse de Livres est une fresque sur la société allemande de la Deuxième Guerre Mondiale. Le nazisme et sa montée, les séquelles de la Grande Guerre, la persécution juive, les jeunesses hitlériennes et surtout un peuple allemand embarqué malgré lui dans un conflit qu’il n’appuie pas… Un arrière-plan lourd mais une histoire pleine de poésie mélancolique ponctuée par les instants heureux de la vie de la jeune héroïne : Liesel, la fameuse Voleuse de Livres… Sans être un roman pour adolescent, l’histoire reste principalement centrée sur les enfants de la rue Himmel et nous fait découvrir les événements de cette difficile période à travers leurs jeunes yeux.
La narratrice de cette jeunesse poignante de l’héroïne est sans aucun doute la véritable originalité de ce livre puisse que ce ne n’est autre que La Mort elle-même. Au même titre que dans les Annales du Disque Monde de Terry Pratchett – l’humour et l’ironie en moins – c’est avec un certain détachement pour sa sinistre mission qu’elle retrace la vie de cette jeune fille tout en partageant avec nous la lourdeur de sa tâche – collecter les âmes pour les emporter dans l’au-delà – en temps de guerre. Brillante idée pour raconter une période de l’histoire où la mort était omniprésente, ce processus narratif permet de l’aborder avec un nouvel angle et d’adoucir un récit déjà lourd en émotion.
Sur la forme, j’ai apprécié découvrir la vie de Liesel à travers les livres qu’elle dérobe, chacun symbolisant une tranche particulière de sa jeunesse. Couplé à une narration atypique, le tout donne un ensemble original et à la signature très personnelle. De plus, l’écriture est fluide, frappante, imagée… clairement, l’auteur possède une imagination assez folle et une grande capacité d’analyse du monde et de ses paradoxes – il réalise, par ailleurs, très souvent des parallèles assez stupéfiants.
En revanche, certains points m’ont quelque peu gâché le plaisir. Le premier est sans aucun doute la propension de l’auteur à la surqualification permanente avec des adjectifs souvent enfantins ou niais. Les titres de chapitres en sont d’ailleurs un très bon exemple. Ainsi, on trouve égrené ici et là des mentions à un couteau de poche rouillé, au bonheur des cigarettes, une vengeance en forme d’assortiment de bonbons, un petit livre flottant, un baiser sur des joues empoisonnées, treize cadeaux… Une lampe ne peut être qu’une simple lampe, il faut que ce soit une petite lampe… Une serviette se doit d’être qualifiée de serviette à main… Bref, une collection d’adjectifs qui n’est pas très utile, probablement utilisée par l’auteur pour asseoir le côté poétique du texte, mais qui finit par devenir irritant.
Enfin, une dimension symbolique omniprésente vient aussi alourdir le récit : le moindre geste, action, objet ou événement semble revêtir un sens caché ou un message profond. Une suranaylse permanente, encore une fois probablement souhaitée par l’auteur pour accentuer le côté poétique du texte, mais qui fatigue et brise la spontanéité de certaines de scènes.
Une belle histoire empreinte d’une poésie mélancolique – hélas, parfois, un peu trop poussée – et qui propose une narration très originale sur une période sombre de l’histoire moderne.