Quand Sally rencontre Tony…
Ils se sont trouvés. Elle, fonceuse, ambitieuse, prête à tout pour décrocher un scoop. Lui, cynique, élégant, jamais plus à l’aise qu’en zone de guerre. Le journalisme extrême : voilà leur drogue, leur raison de vivre. Jusqu’à aujourd’hui. Un seul regard a suffi pour les rendre accros l’un à l’autre.
Dès lors, les évènements se précipitent. Un mariage, une maison, un enfant en route… Elle pouponnera, il écrira enfin son roman. Le rêve. Ou presque. Peu à peu, Sally s’enfonce dans la dépression. L’homme qui partage son lit, cet inconnu trop vite épousé, semble cacher bien des vices. Et l’idylle éclatante prend soudain des allures de machination perverse…
La Critique de l’Ogre : 7/10
Malgré un début un peu lent où Kennedy nous conte les prémices de cette histoire d’amour en Sally et Tony, ces deux reporters indépendants se refusant à « sombrer » dans les affres d’une vie normale et rangée, l’histoire prend son envol et avance sans temps morts. C’est ici la principale force de ce livre. Les phrases s’enchaînent, les pages se dévorent. Douglas Kennedy détient une grande capacité à décrire des étapes importantes d’une vie – l’installation dans une banlieue londonienne, l’achat d’une maison, une grossesse – tout en y incorporant la complexité de ces personnages, leurs doutes et leurs interrogations. Ajouter à cela une écriture concise, efficace, imagée et rythmée, on se retrouve avec un livre dont on tourne les pages avec plaisir et envie.
Le point pouvant diviser les lecteurs sur l’intérêt de l’histoire est la paranoïa dépressive de cette héroïne qui, contre ses principes, se voit s’enterrer petit à petit, par amour, dans une vie qu’elle avait toujours tenté de repousser. On parle bien ici d’une « Descente aux Enfers Sentimentale » qui se conclut, en point d’orgue, par une dépression postnatale féroce. Une telle histoire peut rebuter et sembler lourde…
Heureusement, elle est ici traitée avec justesse, sans sombrer dans le pathos. Car ce n’est pas la dépression de Sally qui est au centre du livre, mais plutôt ses cheminements mentaux l’ayant conduit dans ces abîmes – dépression postnatale, accumulation de problèmes personnels et conjugaux, stress. Cette nuance change radicalement la tonalité de l’histoire et permet de se décharger de la lourdeur de l’état de Sally. D’autant plus que ces fameux schémas mentaux ont une grande importance dans la deuxième partie de l’histoire qui réserve quelques surprises et expose ingénieusement comment la manipulation par autrui peut être simple et efficace lorsqu’elle qu’elle profite de nos instants de faiblesse psychologique.
Au rayon des éléments dérangeant, une certaine propension pour les clichés est à noter. Égrenés ici et là, ils sont servis avec peu de délicatesse : les Anglais, les Américains, les hommes et les femmes… Tout y passe et à de nombreuses reprises. Certains personnages secondaires ne sont même décrits que par ce biais. Autre point négatif, l’héroïne et son caractère bien trempé. Le parti-pris est ici de proposer une héroïne « grande-gueule », n’hésitant pas à aller au conflit – c’est normal, elle est américaine – encore un cliché – ce qui sert d’ailleurs pour la deuxième partie de son histoire. Ça fonctionne, mais lors de certains épisodes, ce caractère sang-chaud semble trop exacerbé pour être crédible. Certaines réactions démesurées font passer l’héroïne pour plus folle qu’elle n’est, en tous cas, bien plus que ce que n’exige l’histoire, et apporte un déséquilibre un peu trop prononcé au personnage.
Une bonne histoire qui se dévore d’une traite ! Captivante, avec de nombreux rebondissements et une deuxième partie haletante, elle remplit son rôle de page-turner, malgré un léger côté agaçant quant aux clichés employés – surtout sur les anglais – et une héroïne un brin too-much dans son rôle de dépressive panaroïaque.