Et puis, qu’est-ce que ça veut dire, différents ? C’est de la foutaise, ton histoire de torchons et de serviettes… Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c’est leur connerie, pas leurs différences… » Camille dessine. Dessinais plutôt, maintenant elle fait des ménages, la nuit. Philibert, aristo pur jus, héberge Franck, cuisinier de son état, dont l’existence tourne autour des filles, de la moto et de Paulette, sa grand-mère. Paulette vit seule, tombe beaucoup et cache ses bleus, paniquée à l’idée de mourir loin de son jardin. Ces quatre là n’auraient jamais dû se rencontrer. Trop perdus, trop seuls, trop cabossés… Et pourtant, le destin, ou bien la vie, le hasard, l’amour -appelez ça comme vous voulez -, va se charger de les bousculer un peu. Leur histoire, c’est la théorie des dominos, mais à l’envers. Au lieu de se faire tomber, ils s’aident à se relever.
La Critique de l’Ogre : 7/10
Anna Gavalada signe ici un roman simple, drôle, touchant, attachant, mais aussi et surtout mettant ingénieusement en scène des gens ordinaires. Ici, pas de personnages hors-norme, mais rien que des héros comme il serait possible d’en croiser tous les jours dans la rue, au travail, ou dans la file d’attente d’un supermarché. Pas d’histoires rocambolesques, incroyables… L’auteur nous montre que la vie quotidienne, dans sa forme la plus simple, peut suffire de substance à un roman de plus de 500 pages dans lequel il est possible de s’immerger totalement.
On se lie et on s’attache avec une grande facilité aux personnages principaux, cabossés mais aussi et surtout débordés par la réalité de leur quotidien. Une jeune femme aux penchants artistiques aussi développés que son anorexie, un cuisinier hargneux croulant sous le poids des responsabilités familiales, un excentrique bègue perché et dont le calendrier s’est arrêté à une époque où lui-même n’était même pas né… Des personnages hauts en couleur qui, par le hasard d’une rencontre, vont voir leur vie chamboulée du tout au tout et qui vont alimenter cette histoire qui, malgré la lourdeur de la vie de ses protagonistes, amène chez le lecteur un sourire contagieux.
Cependant, Ensemble, C’est Tout n’est pas pour autant exempt de défauts. Les dialogues sont, pour moi, le point qui m’a posé le plus de problèmes. Il y a un parti-pris évident : vouloir proposer au lecteur des dialogues dépouillés de toute substance, hachés avec des phrases courtes, proposant des échanges entre personnages sans aucune incise permettant de comprendre qui parle, à quel moment et avec quelle intonation. On peut invoquer un effet de style, une volonté de donner du rythme aux dialogues… Mais pour ma part, le résultat final est plus que confus : il m’est arrivé plus d’une fois de me perdre dans ces dialogues et me demander « mais qui parle ici ? ». Le gros problème est que cela a tendance à lisser les personnalités des héros qui sont, pourtant, un des points forts de cette histoire, nous emmenant ainsi à contre-courant du réel intérêt du livre.
J’avoue que je suis toujours septique quant aux auteurs qui tentent de se démarquer sur la forme, et non le fond : pour se donner un style, on envoie balader les codes, parce que quand même, « moi je ne fais pas les choses comme tout le monde ». Une licence poétique appliquée au genre littéraire en somme. Ces pirouettes stylistiques ne sont jamais un moyen efficace de donner plus de relief à une histoire.
Bref, vous l’aurez compris, Ensemble C’est Tout est un livre touchant, attachant mettant en scène des personnages qui le sont tout autant. On lit, on tourne les pages, on ne s’arrête pas, on a envie de savoir jusqu’où cette rencontre entre Camille, Franck et Philibert qui lance l’histoire va emmener les héros dans leurs vies respectives. Hélas, je trouve le livre légèrement entaché par des dialogues qui sont, certes, bien écrit, mais qui de par la forme choisie veulent se donner un faux côté atypique, voire même pompeux… Mais je ne peux que vous conseiller, malgré ces défauts, de vous jeter dedans !