Dans un futur lointain, les humains sont connectés via des implants à un réseau commun. Ensemble, ils forment un organisme unique, le « Vivant ». La mort n’y existe pas : dès qu’un individu est « mis sur pause », son code génétique renaît dans un nouveau corps. Le nombre d’humains est constant – trois milliards.
Le Vivant vacille sur ses bases lorsque l’impensable survient : un homme naît. Il est sans code, sans patrimoine, il n’est la réincarnation de personne. On l’appelle Zéro. Placé sous étroite surveillance, il devra trouver des réponses sur son identité dans un monde réputé parfait…
Anna Starobinets déploie les codes de la littérature d’anticipation pour interroger d’une manière glaçante les traumas de nos civilisations virtuelles.
La Critique de l’Ogre : 6/10
Le Vivant d’Anna Starobinets est un vrai roman de Science-fiction dans la plus grande tradition du genre. Une histoire d’envergure, un univers d’anticipation fouillé et des codes sociétaux nouveaux qui nous font nous interroger sur la science et ses dérives, l’impact qu’elle sera susceptible d’avoir sur nos corps, nos moeurs, nos vies. En ce sens, ce roman se positionne comme un roman ambitieux, désireux de vouloir donner un aperçu d’un univers possible. Hélas, je suis déçu par l’ouvrage dans son ensemble pour plusieurs raisons sur lesquelles je reviendrai plus loin.
Mais dans un premier temps, attardons-nous sur le contenu de ce livre. Les idées d’Anna Starobinets sont captivantes et accrocheuses. J’ai aimé la plongée qu’elle nous offre dans la communication numérique entre les individus, ses fameuses strates, dont la complexité des échanges entre humains augmente alors que l’on atteint ses couches les plus profondes, et l’intégration des vraies interactions physiques dans ce concept en tant que première strate – dite la plus limitée. Il y a aussi l’InCode, une partie du code génétique d’un individu qui se transmet, lors de sa mort, dans le corps d’un nouveau-né. Et justement, la mort… Selon Le Vivant, elle n’existe plus, grâce à cette transmission. On ne parle plus de mort, mais de pause, le temps du transfert du code génétique. Ce sont quelques éléments qui donnent un aperçu alléchant des possibilités de ce roman. Il y a de vraies bonnes idées, et même si le principe de l’InCode semble aujourd’hui difficilement atteignable, on ne peut occulter le parallèle avec les concepts de transfert de conscience ou de clonage que la science moderne cherche à explorer. Des thèmes très actuels…
Et ce dernier point pose une question existentielle : qu’est-ce qui nous définit ? Est-ce parce que notre « InCode » se transmet dans un autre individu que l’on ne cesse, finalement, plus jamais d’exister ? Ou bien notre corps, lors de sa fin, emporte avec lui l’esprit qui va avec. Notre esprit est-il vagabond, s’accrochant à notre enveloppe charnelle ? Ou bien y est-il lié de manière indéfectible ? Pour ma part, mon idée est faite depuis longtemps, mais je vous laisse vous faire la vôtre. Toujours est-il que l’arrivée au milieu de ce Vivant – cette entité composée de 3 milliards d’individus – de Zéro, un être vivant sans InCode, s’apprête à tout chambouler et on meurt d’envie de comprendre la chaîne d’événement ayant amené à sa naissance… Et c’est un peu là que ça se gâte.
L’histoire promet beaucoup, mais ne donne pas grand-chose. L’intrigue ne cesse de se mettre en place, de présenter des situations, sans donner l’impression d’avancer autrement que lors de certains chapitres où soudainement, tout semble se mettre en branle. D’autant plus que de manière générale, j’ai trouvé la narration confuse, avec plusieurs points de vue, plusieurs histoires et identités qui s’entremêlent… Et enfin, une absence cruelle de description d’un univers qui pourtant, semble être dans la tête de l’auteure fascinant. Il n’y a que des analyses psychologiques, des points de vue, des dialogues… On ne comprend pas du tout à quoi peuvent ressembler les héros – en première strate – ni l’environnement dans lequel ils évoluent. Bref, on se surprend quelques fois à vouloir lâcher l’affaire à force de ne plus comprendre où l’on va, pourquoi, et avec qui…
Un roman de science-fiction bourré de bonnes idées et prometteur, mais qui se révèle à la lecture lent et quelque peu confus.