Un gars de l’Ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j’aurais avec lui, j’allais entendre l’appel d’une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi pour copain et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d’hôpital, qu’est-ce que cela pouvait me foutre ?… Quelque part sur le chemin je savais qu’il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare.
La Critique de l’Ogre : 5/10
Sur La Route est typiquement ce que l’on pourrait appeler un livre générationnel. Roman emblématique de la « Beat Generation » – mouvement littéraire de la fin des années 40 aux États-Unis qui, dans une Amérique puritaine d’après-guerre, prônait une certaine libération culturelle et sexuelle – ce roman a été écrit par une génération, pour une génération. Sur La Route de Jack Kerouac a très certainement eu un impact énorme sur la société américaine, préfigurant le mode de vie d’une grande partie des jeunes des années 60. Il a été écrit dans un contexte particulier, avec une volonté de changer toute une société.
Aujourd’hui, en 2016, il faut tout de même avouer que les idées qui y sont véhiculées et les interdits transgressés ne sont plus trop d’actualité. Même si, de nos jours, certaines libertés semblent reculer, il n’en demeure pas moins que beaucoup de tabous sont tombés, ce qui diminue grandement le retentissement de ce livre. J’irai même plus loin, je pense qu’en tant que citoyens occidentaux du vingt-et-unième siècle, nous ne sommes plus vraiment à même de comprendre ce qu’a pu faire passer comme émotions cette histoire en son temps et la puissance qu’elle a pu dégager. Les idées et le fond du livre n’étant plus vraiment d’actualité, il reste que l’on peut toujours aborder Sur La Route comme un travail archéologique afin d’étudier les vestiges d’une société passée.
Le problème est que si l’on met de côté les thèmes et les idées, il faut vraiment s’accrocher… Car considéré simplement comme un roman, c’est très lourd à lire. Une écriture hachée – il a été écrit en un temps record, et ça se ressent – des phrases parfois bancales et aussi et surtout une histoire qui part dans tous les sens avec des antihéros au final, peu charismatiques. Les événements jouent sans cesse au yoyo, nous emmenant toujours « sur la route » sans aucune autre vraie finalité. D’aucuns diraient que c’est probablement l’objectif, celui de faire passer cette sensation de vivre sur la route, sans autre but que de voir où cela peut mener. Le problème est que ces errements se ressentent grandement sur tous les personnages. Honnêtement, je serai incapable de décrire précisément l’un d’entre eux avec ses traits de caractère, ses émotions, ses problèmes, ses failles… Le livre lui-même semble errer sur la route avec les héros.
Reste peut-être une idée générale qui ressort de ce livre. Beaucoup d’entre nous passent leur vie à essayer d’atteindre des objectifs – parfois irréalisables – ou des idéaux. Pourtant, une fois le Saint Graal obtenu, nous nous apercevons que ce n’est pas forcément ce que l’on souhaite ou que le bonheur associé n’est pas aussi intense qu’espéré. La déception ou le sentiment d’échec pouvant en découler est parfois terrible, dévastateur. Plus que jamais, Sur La Route nous apprend que l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs – surtout si l’engrais est le même, en l’occurrence, nous-mêmes – et que la partie la plus importante lorsque l’on se fixe un objectif n’est pas le résultat final, mais bien le chemin qui nous y conduit.