Homme mûr de 40 ans, transporté dans la peau de l’adolescent qu’il était à 14 ans, Hiroshi continue la redécouverte de son passé. Questionnant sa grand-mère, ses parents, ses amis, il réalise tout ce qui lui avait échappé lorsqu’il était jeune. Et petit à petit, l’année scolaire avançant, il voit se rapprocher la date fatidique où son père disparaîtra, pour toujours, sans aucune explication. Peut-il changer son passé ou est-il condamné à le revivre, impuissant ? Et retrouvera-t-il son existence normale, sa femme et ses enfants ?
La Critique de l’Ogre : 7/10
Taniguchi nous propose, avec ce manga, d’exploiter une thématique d’introspection personnelle intéressante : revivre son enfance avec toute l’expérience de sa vie d’adulte. Dans Quartier Lointain, ce sujet est porté par deux piliers forts que l’on retrouve de manière constante tout au long de l’histoire. Le premier, s’axe autour du fait de retrouver l’innocence caractérisant sa vie d’enfant et ainsi, la capacité à se reconnecter avec ce qui est réellement important. Le second, se retrouver avec la vie devant devant soi tout en ayant, de nouveau, l’impression que tout est possible. Ces thèmes centraux sont accompagnés dans chaque page par l’histoire personnelle du héros, et notamment, la disparition de son père lors de son enfance. Ce retour en arrière sera pour lui un moyen de comprendre, peut-être même, de changer le futur ?
L’histoire, qui nous plonge dans le Japon d’après guerre, ainsi que sa narration sont incontestablement les points forts de ce manga. L’expérience d’Hiroshi nous est contée au travers de petites choses de la vie quotidienne qui modélisent parfaitement le décalage entre les autres enfants et lui. Son expérience de la cigarette, de l’alcool, des difficultés et de l’ironie de la vie, entrent directement en conflit avec l’innocence et la naïveté de ses jeunes amis. Plein de confiance, d’envie, et d’espoirs, Hiroshi vit cette expérience comme une nouvelle naissance, une autre vie qu’il aborde, cette fois-ci, avec les armes nécessaires pour en savourer la pleine saveur. Des interrogations complexes surgissent alors, à l’image de cette histoire d’amour naissante avec une jeune fille qu’il n’avait jamais osé aborder lorsqu’il était enfant, alors que dans un futur de plus en plus hypothétique, femme et enfants l’attendent.
En toile de fond, c’est aussi un drame familial marquant qui guide l’histoire : la disparition du père d’Hiroshi. Pourquoi ? Comment ? Le mystère reste entier, d’autant plus que chaque jour passant le rapproche un peu plus d’un événement qui lui reste toujours aussi hermétique. Les raisons du départ de son père demeureront un mystère durant une bonne partie du livre, et ne se révéleront qu’à la toute fin dans un dénouement émouvant et triste. Tous ces éléments contribuent à faire de Quartier Lointain un manga accrocheur, introspectif et très bien construit.
Le dessin est quant à lui relativement simpliste, mais il sied parfaitement au type d’histoire personnelle que Taniguchi nous conte. Ils sont beaux, dépouillés, peu de détails, ce qui permet de se concentrer sur le coeur de ce manga, à savoir les personnages. Car l’action est ici celle de la parole, et non celle du mouvement. Les scènes sont criantes de réalisme et nous immergent parfaitement dans ce Japon des années 60. Il faut aussi souligner le cadrage de chaque vignette qui est parfait, l’auteur à un sens de la mise en scène exceptionnel.
Un manga introspectif sur un quinquagénaire ayant l’opportunité de revivre sa jeunesse et de comprendre le drame familial qui a marqué son enfance… Une réussite.